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ASSOCIATION FÉCAMP TERRE-NEUVE

COMMENTAIRE N° 1 :
COMBIEN DE MATELOTS À YPORT AU XVIIIe SIÈCLE ?

COMMENTAIRE N°  2 :
DESTRUCTIONS  A  FÉCAMP

COMMENTAIRE  N° 3 :
Pour illustrer l'article de Yves Duboys Fresney intitulé : Destructions urbaines à Fécamp pendant la guerre 39-45 dans les Annales du Patrimoine n° 14 - 2007, le comité de rédaction avait publié une photographie anonyme appartenant à la bibliothèque municipale de Fécamp, et ainsi légendée : « Les dégâts après les bombardements du 28 avril 1944 - Rue des Prés ? ».
Nous recevons aujourd'hui une réponse à ce point d'interrogation.
Je viens de recevoir une personne qui souhaite apporter une réponse à la question posée par la légende de la photo page 48 de l’article sur les bombardements de M. Duboys Fresney dans les Annales n°14 à propos des destructions à Fécamp en 1944.
Cette photo montre un résultat de bombardement du 28 avril 1944, non pas rue des Près, mais Rue du Pressoir. Il s’agit de l’entrepôt « Vins et Spiritueux » de M. Lapert dont l’entrée se trouvait au 5 de la rue Goüel.
Cette information m’a été exposée par le fils de M. Michel Lapert qui a été ravi de pouvoir consulter aux archives les rapports d’interventions des pompiers (AMF - PW1643) qui relatent dans le détail, tous les faits de cette terrible journée du 28 avril 1944.

Manuel Martin, responsable des Archives municipales (30/11/2009)
Nous publions le débat suscité par l'article de Yann Gobert-Sergent intitulé : État des gens de mer dans le quartier maritime de Fécamp en 1739 d'après l'inspecteur Sicard paru dans les Annales du Patrimoine n°13 - 2006, débat qui apporte un intéressant prolongement à l'article.
J'ai été un peu étonné à la lecture de l'article de Yann Gobert-Sergent à propos du nombre de matelots cités dans les différents ports de la côte et en particulier Yport que je connais mieux. Le nombre de matelots avancés me parait bizarrement sous-évalué et étonnament faible (et ce pour l'ensemble des ports cités). Une évolution de 48 à 57 gens de mer est remarquée par l'auteur pour une flotille de 17 unités. Or, si l'on ne tenait compte que de ces chiffres, on pourrait supposer que le port d'Yport était peu peuplé, économiquement peu actif et disposant d'une flotille de petits navires montés par 3 à 4 hommes. Ce qui me parait en totale contradiction avec le nombre de matelots trouvés pour la moitié du 17e siècle. Je donne ces chiffres dans l'article sur le procès Massé. Vers 1640-1650, on comptait à Yport, au vu des impositions per capita, environ quatorze unités et autant de maitres de bateaux et près de 170 matelots. Un recensement de 1793 donne par exemple 193 mariniers pour la paroisse. Par ailleurs, Philippe Manneville (in Les Normands et la Mer) donne le chiffre de 177 gens de mer inscrits (hors mousses et vieillards) à la Révolution pour le quartier de Criquebeuf/Yport (soient les deux villages plus les quelques environnants) dont environ 135 au moins pour les seuls Criquebeuf/Yport.

Plusieurs conclusions me viennent aussitot à l'esprit :
- Soit le nombre de matelots a chuté de manière spectaculaire en soixante dix ans pour remonter quelques décennies plus tard.
C'est possible mais peu probable, surtout compte tenu de l'importance de la flotte yportaise, à priori constituée de caïques (ou leurs ancêtres) montées chacune par une dizaine d'hommes.
- Soit je me suis lourdement trompé dans mes estimations pour le XVIIe siècle.
C'est également possible mais les chiffres que j'avance sont confirmés par leur proximité avec le dénombrement de 1793, ainsi que par le ratio matelots/population totale quasi identique avec les données du 19e siècle.
- Soit le document de Sicard ne donne pas le nombre réel de marins par paroisse.

Pour le savoir, il faudrait comparer avec d'autres dénombrements de population faits dans les autres paroisses et comparer. A titre d'exemple, le recensement d'Yport de 1856 ne mentionne pas les marins embarqués pour la guerre de Crimée d'où une baisse officielle du nombre de matelots dans la paroisse. Pierre Molkhou, qui a écrit récemment sur Yport, ne considére que le chiffre officiel pour en conclure une crise de la pêche à Yport à cette période ; or il n'y a aucune baisse des effectifs ni crise de la pêche mais plutôt une absence d'enregistrement de certains marins. En est-il de même pour Sicard ? je ne sais.
Pour l'instant, je m'interroge sur les chiffres avancés dans l'article car ils me paraissent vraiment en contradiction avec les rares estimations que l'on peut trouver ou avoir par ailleurs.

Guillaume Lemaistre, ethnologue et historien, Rouen (15/01/2007)

Réponse de l'auteur :
Guillaume Lemaistre s’interroge sur la baisse importante du nombre de marins dans la localité d’Yport au début du 18ème siècle, suite à mon article paru dans les Annales de Fécamp, émanant de l’enquête de Sicard de 1739.
Il est à rappeler, avant toute argumentation, que l’inspecteur Sicard est un grand commis de l’Etat. Il parcourt durant plusieurs décennies, dès la fin des années 1720, les côtes françaises pour rendre compte à Versailles des activités littorales. Son jugement, ses renseignements et la qualité de son travail, pour l’ensemble des dizaines de ports, dont les plus grands, à l’instar de Marseille ou Nantes, sont au-dessus de tout soupçon. Ils ont servis de travail à de grandes thèses en Histoire. Certes, il pêche parfois de légèreté dans ses conclusions sur le commerce, pour lequel il n’est pas spécialiste. Néanmoins, ses enquêtes relatives à la pêche sont toujours bien renseignées, et confirmées par les grandes prospections des autres commis de l’Etat qui lui succèdent, à l’instar de Verdier ou Chardon.

De manière macroéconomique, on constate à la fin du 17ème siècle, un large déclin de la pêche dans les petits havres de la Manche. Seuls des grands ports maintiennent ou renforcent leurs activités halieutiques, à l’instar de Dieppe. Boulogne est en grave crise (-70%), Calais voit son activité cesser, d’autres petites localités normandes ou bretonnes ne sont pas mieux loties. Les années 1730 marque le creux de la vague. Le poisson se fait rare, les flottilles diminuent, dans un belliqueux climat contre l’Angleterre et une concurrence étrangère accrue. Cet état de fait est confirmé dans mes travaux, dans les travaux de mes confrères chercheurs, et dans l’ouvrage qui fait référence d’Alain Cabantous. La situation s’améliore dans les années 1770-1780.

De façon plus locale, Sicard note en 1729 pour Yport que « dans cet hameau il y a 13 bateaux, deux de douze tonneaux, et onze de 4 à 5 tonneaux. Les deux premiers servent à faire la pêche au hareng avec leurs filets warnettes, les autres pêchent le maquereau frais au plomb ». Il compte alors 48 gens de mer. Dix ans plus tard, Sicard explique l’embellie par « la construction de la petite jetée de maçonnerie au port d’Yport, et la permission accordée aux matelots de faire la pêche au hareng gai pour servir d’appâts aux pêcheurs à la ligne. Cette autorisation les a encouragés à augmenter le nombre de bateaux et cela a donné lieu à la petite augmentation des gens de mer ». De 1728 à 1739, le nombre de matelots passe de 48 à 57, et quatre navires de pêche sont lancés, soit une flotte de 17 unités. La cohérence entre les deux enquêtes est notable, ce qui exclut une erreur intempestive.
Si les sources comptables ou les témoignages de l’époque sont différents, cela ne met pourtant pas en défaut les résultats de Sicard. Sous l’Ancien Régime, l’armement du navire est enregistré par le négociant-armateur (parfois appelé hôte-bourgeois). Souvent, pour les petits havres, la maison d’armement est installée dans un grand port (siège de l’Amirauté), et elle déclare à cet endroit des bateaux qui iront pêcher ailleurs.

En conclusion, Sicard livre probablement des chiffres très proches de la réalité très médiocre des ports de l’Amirauté de Fécamp. L’activité dans les années 1720-1730 est réellement en net recul, ce qui motive d’ailleurs la fraude avec les anglais (smoggleurs).
J’espère avoir répondu aux interrogations sur la médiocrité des activités halieutiques de ce port au début du 18ème siècle.

Yann Gobert-Sergent, docteur en Histoire, Lille (07/02/2007)
Les articles des Annales suscitent parfois des compléments, des débats ou des réponses qui font avancer la recherche historique.
M. Michel Lapert et sa maman devant l’entrée de l’entrepôt familial de vins et spiritueux, situé au n° 5 de la rue Gouël et détruit à la suite du bombardement du 28 avril 1944.
Photographie offerte par M. Lapert aux Archives municipales de Fécamp, décembre 2009