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NAVIRES

LA GRANDE PÊCHE

ASSOCIATION FÉCAMP TERRE-NEUVE
Le "Zaza"
quittant Fécamp.
© coll. Jack Daussy
Etienne Bernet / © Édition Association Fécamp Terre-Neuve, 2005
Extrait des Annales du Patrimoine de Fécamp n°12.
La reproduction d’extraits de ce texte est autorisée sous réserve d’en mentionner l’auteur et l’éditeur.
Zazpiakbat, drôle de nom pour un navire, difficile à retenir pour les marins bretons et fécampois qui ne savaient pas prononcer son nom sans l'écorcher et l’appelaient familièrement Zaza. Navire emblématique par son nom mais aussi par ce qu'il symbolise de novation pour l'armement qui n'hésitait pas à faire apparaître dans ses comptes de campagnes une ligne budgétaire : taxe de propagande. Symbole d'une expérience de pérennisation d'une technique de pêche déjà dépassée dont la deuxième guerre mondiale aura raison.

C'est à Brême que Georg-Kimme, qui deviendra Zazpiakba, est construit par les chantiers A. G. Weser, en 1920, pour le compte de la société Bremerhavener Reed A.-G. Il est armé au cabotage international pendant cinq années sous le commandement du capitaine J. Kutzeer. En 1926, il change une première fois d'armement, vendu à un autre armateur brêmois : Otto Rathjen qui le rebaptise Anneliese-Rathjen (du nom de sa fille aînée) et le capitaine Kutzeer en garde le commandement. Mais une grève l'immobilise pendant trois mois à Hull, si bien que l'Anneliese-Rathjen ayant coûté une fortune en taxes portuaires et n'ayant rien rapporté, est mis en vente.

C'est ainsi que ce quatre-mâts de commerce est vendu en France, à La Morue Française, et devient le Zazpiakbat. Il entre à Fécamp le 4 août 1928, venant de Brême, avec 916 tonnes de houille. Le Zazpiakbat est un grand quatre-mâts goélette en acier à pont unique, jaugeant 786 Tx de jauge brute et 588 Tx de jauge nette, long de 60 m, large de 9,25 m pour un creux de 5,30 m, équipé de deux moteurs auxiliaires Bolinder's de 90 CV. Navire de charge, construit pour le cabotage international, il est transformé à Fécamp en "cordier" pour la pêche aux bancs, navire pratiquant la pêche aux cordes avec des doris et mouillant des lignes de fond, les harouelles. C'est un voilier moderne équipé de l'électricité, de la radio sans fil (la TSF) et de chambres frigorifiques.

En 1929, Zazpiakbat, immatriculé à La Rochelle, est armé à Fécamp où, malgré la concurrence grandissante des chalutiers, on arme encore douze voiliers cordiers dont huit pour La Morue Française. De 1929 à 1933, le "Zaza" armé pour pêcher la “morue verte”, c’est-à-dire salée à bord, va faire cinq campagne à Terre-Neuve et au Groenland au départ de Fécamp, commandé d'abord par le capitaine François Bon puis par le capitaine Aristide Ollivier, expérimentant des doris à moteur. En 1933, Zazpiakbat fait son retour sur La Pallice (La Rochelle), le 18 septembre, et restera dans ce port et ne reviendra plus à Fécamp sauf pour y livrer sa pêche en 1937. Il est armé à La Rochelle de 1934 à 1936, toujours sous le commandement du capitaine Aristide Ollivier.

En avril 1935, La Morue Française devient la Compagnie Générale de Grande Pêche (la C.G.P.), société qui conserve les navires de l’armement, Zazpiakbat passe donc à la C.G.P. En 1936, c'est sa dernière campagne pour cet armement mais, la toute nouvelle C.G.P. se défait de ses grands navires cordiers ; la taille de ces bateaux, voiliers ou cargos, et l'évolution de leurs équipements entraînant autant de dépenses que l'armement d'un chalutier neuf et moderne. À son retour à La Rochelle Zazpiakbat est vendu à l’armateur Victor Pleven qui va l'immatriculer à Saint-Malo où il va être armé pour pêcher la morue mais aussi comme chasseur, restant sous le commandement Aristide Ollivier qui n’apprécie pas particulièrement d’avoir été vendu avec le navire. Il le commandera tout de même pour deux campagnes puis sera remplacé par le capitaine Jean-Baptiste Gicquel.

En 1940, l'armateur Victor Pleven arme pour la pêche le quatre-mâts Zazpiakbat et le chalutier Alfred. Les navires ayant pour consigne de débanquer très tôt, avant le 15 août. Mais le 23 juin, les navires en pêche reçoivent par radio l'ordre de se réfugier sans délai à Saint-Pierre pour leur éviter d'être arraisonnés et saisis par les Anglais. La majorité des navires de la flottille, peu informée des enjeux politiques de cet armistice, vient alors se mettre à l'abri à Saint-Pierre, mais plusieurs navires ignorant que le Canada, alors "dominion britannique", est devenu territoire ennemi iront se réfugier à Saint-John's ou Sydney, dans l'île du Cap-Breton, ce que fait le Zazpiakbat. En fin d'été, l'armateur Victor Pleven donne ordre à ses navires de rallier Marseille en "zone libre" au plus vite : le quatre-mâts Zazpiakbat, sans doute peu intéressant comme navire auxiliaire pour les Anglais, peut repartir librement pour Marseille, via Casablanca.

Désarmé à Marseille en fin de l'année 1940, le Zazpiakbat sera mis en vente, mais ne trouve pas d'acquéreur. Le 21 août 1944, il est remorqué jusqu'au large de Martigues, puis sabordé après avoir été chargé de ciment. En 1945, on tentera de le renflouer, mais il ne pourra être relevé et sera incendié ; triste fin pour un navire emblématique qui a si fortement marqué la mémoire des marins pêcheurs de son temps.