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ASSOCIATION FÉCAMP TERRE-NEUVE

JEAN  RECHER

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L'arrivée à Saint-Pierre à bord du Saint-Martin Legasse

« Nous sommes à Saint-Pierre. Je ne vois rien, mais j'entends la corne à brume du port que les marins appellent la Vache. [...]. Quand nous virons l'ancre pour prendre la passe, la visibilité est toujours aussi mauvaise. En avant très lente, nous parcourons quelques longueurs de navire, précédés d'une trentaine de mètres du houari du pilote. De la grisaille sort une île : l'île au Massacre. La Vache beugle pour nous indiquer le tribord de la passe. Nous passons entre des espars servant de balises, le long d'un musoir : la Pointe aux Canons. Nous voilà à quai, je ne pourrais expliquer l'entrée. De la brume et des cailloux, rien d'autre. Après Chateaubriand, je découvre la « bosse noire à travers la brume ».
Le capitaine ordonne de mettre les câbles du chalut à terre en plus des amarres qu'il fait doubler et même tripler. Terminé pour la manœuvre. Les marins poussent la coupée à terre. Nous sommes au paradis du marin pêcheur. Le havre de grâce... Dans le brouillard qui se lève se découvre au soleil un petit bourg nordique de 3 500 habitants, avec des constructions en bois d'un étage, ramassées et très colorées. Dans le port, une quarantaine de houaris, de couleurs vives, eux aussi. Pas de chalutiers saint-pierrais. Saint-Pierre commande un archipel sans arbre, aux rochers brunâtres, nombreux et dispersés. Je découvre à flanc de colline les quatre seuls arbres entourant le monument aux morts : la terre, me dit-on, a été apportée de France. »

Le Grand Métier, Journal d’un capitaine de pêche de Fécamp
Éditions Plon, Collection Terre Humaine, 1977