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ASSOCIATION FÉCAMP TERRE-NEUVE
1765, création de la Division navale de Terre-Neuve

De 1756 à 1763, en Europe c’est la "Guerre de sept ans" et les marins français embarqués sur les navires du roi ne peuvent armer les navires pour aller pêcher la morue. Les havres de pêche du French-shore sont abandonnés et occupés par les Anglais qui, le 8 juin 1758, profitant de la situation politique, débarquent dans l'anse de la Cormorandière sur l'île de Cap-Breton, à quelques milles de Louisbourg, font le siège de la ville défendue par Augustin Boschenry de Drucourt, ville qui est prise le 26 juillet, les Anglais en chassant tous les habitants.

En 1763, le Traité de Paris met fin à la "Guerre de sept ans", consacrant la victoire de l'Angleterre sur la France et l'Espagne. Battue sur mer et dans ses colonies, la France y perd la plus grande partie de son empire colonial dont Québec et la Nouvelle France. Toutefois, l'Angleterre nous rétrocède les îles Saint-Pierre et Miquelon et confirme nos droits de pêche exclusive sur le French-Shore accordés par le Traité d'Utrecht de 1713. Malgré ce traité les Terre-Neuviens continuent de soutenir la thèse de la pêche concurrente et les conflits entre les insulaires et les pêcheurs recommencent. En 1764, à la fin de la saison de pêche, les Terre-Neuviens envahissent nos havres de pêche, détruisent les installations et brûlent les chaloupes échouées sur les rivages.

C'est pourquoi, en 1765, pour faire respecter nos droits sur le French Shore, protéger les pêcheurs et éviter que les incidents ne dégénèrent en conflits, la flotte morutière française arrive à Terre-Neuve sous escorte de deux frégates du roi qui restent en croisière sur la côte pendant toute la durée de la campagne de pêche. Déjà au XVIIe siècle, une petite division navale était envoyée assez régulièrement à Terre-Neuve pour y protéger les navires français, notamment en 1675 où elle rencontra cent cinquante navires occupés à la pêche rien que sur le Grand Banc. Mais c'est en 1765 que fut définitivement créée la Division navale de Terre-Neuve et la Station de surveillance permanente à Saint-Pierre et Miquelon.

1767, création de la Division navale d'Islande

En Islande, la situation n’est pas très éloignée de celle de Terre-neuve du fait du monopole danois imposé par le roi Christian IV en 1602, réservant aux seuls Danois le monopole de la pêche et du commerce dans les eaux islandaises et fermant ainsi l’accès des zones les plus poissonneuses aux autres nations. Mais, en 1766, le monopole est enfin assoupli ouvrant les eaux islandaises aux pêcheurs des autres nations, grâce à Jon Eiriksson, ministre islandais dans le Gouvernement Royal Danois. Ainsi, après plus de cent cinquante ans d’interdiction, les eaux islandaises nous sont à nouveau ouvertes. Dunkerquois et Gravelinois, qui se trouvent les plus proches des eaux islandaises, et peuvent y faire leurs campagnes de pêche sans avoir à faire escale, délaissent le Dogger-Bank et retournent à Islande. Toutefois, il nous est toujours clairement interdit de faire du commerce avec les insulaires et d’entrer dans les ports ou les rades islandaises, à moins d’y être contraints par la nécessité et, pour prévenir les conflits, la France envoie des navires d’assistance pour protéger les dogres dunkerquois.

C'est ainsi qu'en 1767, Yves-Marie-Joseph de Kerguelen de Tremarec, chargé de la protection de le flotte française morutière dans l'Atlantique Nord, quitte Brest le 27 avril, avec la frégate La Folle et la corvette l’Hirondelle, lui-même embarquant à bord de La Folle, ayant pour mission de mettre bon ordre parmi les pêcheurs français et de protéger la pêche à la morue. Il débarque le 22 mai à Patresksfjördur, port de la côte nord-ouest de l'Islande. Après une visite protocolaire au directeur de la compagnie danoise qui détient le monopole de la pêche, il séjourne une quinzaine de jours dans le secteur pour assurer sa mission. Il repartira ensuite dans la direction du nord et se livre à des études et observations utiles pour la navigation, Il étudia les mœurs, les usages des habitants des contrées nordiques que sont l'Islande, le Groenland, la Norvège, les îles Orcades, Shetlands et Féroé. Bloqué par une "chaîne de glace", il fera demi-tour en cabotant vers le sud. Revenu à Brest le 9 septembre, il en repart au printemps 1768 pour une seconde mission identique.

Animé d'un louable souci d'exactitude jusque dans ses relevés de cartes, Kerguélen s'est efforcé de corriger, sans toujours y réussir, quelques erreurs de ses devanciers. Il publia une Relation d'un voyage dans la mer du Nord (1), en 1771, qu’il doit donc à une expérience de plusieurs mois de navigation de son auteur, ainsi qu'à quelques sources d'informations d'intérêt variable comme la "relation" de La Peyrère, Un Danois d'Islande, ou celle d'un certain Anderson, dont Kergélen nous apprend qu'il s'agit d'un bourgmestre de Hambourg, auteur d'une Histoire naturelle de l'Islande.

Ainsi furent créées la Station et la Division Navale de Terre-Neuve, en 1765, et la Station et la Division navale d'Islande, en 1767, pour protéger et porter assistance aux marins pêcheurs dans l'Atlantique Nord, assurant également l'importante mission de transmission du courrier. Le 25 février 1893, elles fusionnent et deviennent Division volante et d’instruction, chargée de surveiller la pêche à Terre-Neuve et en Islande, ainsi que d’assurer la formation des apprentis-gabiers, rebaptisée en 1896, Division navale de Terre-Neuve et d’Islande. Leur l'activité ne fut interrompue que pendant certaines périodes de guerre ; présence bien utile tant à Terre-Neuve qu'en Islande, si on imagine qu'à certaines périodes de la deuxième moitié du XIXe siècle on compta plus de vingt mille marins embarqués pour pêcher la morue.

(1) Yves de Kerguélen-Trémarec : Relation d'un voyage dans la mer du Nord, aux côtes d'Islande et du Groenland, de Ferro (sic), de Shetland et des Orcades, fait en 1767 et 1768 par monsieur de Kerguélen-Trémarec, lieutenant de vaisseau du roi, de l'Académie royale de marine, commandant les frégates La Folle et l'Hirondelle, Paris, Imprimerie de Prault, 1771 (cf. Vincent Fournier, Le voyage en Scandinavie, Robert Laffont, Paris, 2001 pp. 93 et 95).

Etienne Bernet
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