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LA GRANDE PÊCHE

1497 - 1697

1702 - 1897

ASSOCIATION FÉCAMP TERRE-NEUVE
1900, EXPOSITION UNIVERSELLE

En 1900, le congrès des pêches maritimes se tient à Paris et la grande pêche est présente à l'Exposition Universelle qui consacre la révolution de l'Image et du cinéma naissant. Le film documentaire y tient une place importante et, sur le navire terre-neuvier Deux Empereurs de l’armement Beust amarré au quai de l’Alma, on présente le métier et la vie des Terre-Neuvas par des "projections animées". Petits films muets, tournés sur commande, pour Georges Beust à bord de ses voiliers au large de Granville.

1901, LIMITES DES EAUX TERRITORIALES ISLANDAISES, DÉBUT DU CHALUTAGE A VAPEUR

En 1901, les Danois qui ont toujours la souveraineté sur l’Islande fixent unilatéralement à trois milles marins la limite des eaux territoriales des côtes islandaises, ce qui leur permet un contrôle des opérations de pêche des navires étrangers.

En ce début de siècle, la vapeur et le chalutage s’imposent comme des évolutions inéluctables et, en 1901, une première expérience de chalutage est tentée, sans succès, dans les eaux de Terre-Neuve.
Elle est suivie d’autres tentatives dans les eaux islandaises où, en 1903, deux chalutiers à vapeur, un boulonnais, le Blanc-Nez, et un fécampois, la Jeanne-D’Arc, tentent l’expérience. Les résultats sont bons et l’expérience est renouvelée l’année suivante. Le premier chalutier à vapeur français, qui réussit une campagne au chalut concluante à Terre-Neuve est la Jeanne, en 1904, et les armateurs fécampois sont les premiers à concevoir un bateau puissant, spécifiquement conçu pour cette pêche : l’Augustin Le Borgne. Ce navire rentre de sa première campagne à Terre-Neuve, en juin 1905, avec une pêche de cinquante mille morues.

1904, LE "TREATY SHORE"

Malgré "l’Entente Cordiale", à Terre-Neuve, les relations franco-anglaises continuent d’être difficiles. Le 8 avril 1904, est signé le "Treaty shore", convention en trois documents, dont seul celui relatif à Terre-Neuve nous intéresse. D'après cette convention, nos armateurs conservent, sur un pied d'égalité avec les insulaires, le droit de pêche dans les eaux territoriales, sur la partie de la côte de Terre-Neuve, comprise entre le cap Saint-Jean et le cap Race en passant par le Nord.

1908, FIN DU "FRENCH-SHORE"

Hélas ces droits sur le French Shore, confirmés par le Treaty Shore, restent à l'état de principe et les Français investissent ailleurs. Le dernier et seul navire français à pêcher sur le French-Shore est le trois-mâts malouin Président, en 1908, sous les ordres de son capitaine-armateur le commandant Revert.

1914-1918, PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

Pendant la grande guerre, le système dit du "tiercement" n’autorise dans chaque port l’armement et l’envoi en campagne que du tiers des navires ordinairement affectés à la grande pêche. Les vapeurs sont pratiquement tous réquisitionnés par l’État et les armements envoient leurs voiliers à Terre-Neuve avec plus ou moins de bonheur : beaucoup de navires sont torpillés, d’autres sont utilisés au cabotage.
Pendant ces événements, Terre-Neuve est devenu un dominion britannique, en 1917.
Après la guerre, la reconstruction de la flotte provoque une accélération de la modernisation. Si quelques voiliers sont reconstruits au titre des dommages de guerre, jusque dans les années vingt, la vapeur prend très vite le pas sur la voile.

1920, RESTRICTION SUR LES EAUX TERRITORIALES ISLANDAISES

L’année 1920, marque le début d’un long processus de restriction de la pêche dans les eaux islandaises. Une nouvelle loi interdit aux étrangers toute action de pêche dans les nouvelles limites fixées par le Danemark en 1901, celles des trois milles marins. Rendant ainsi les zones de pêche les plus poissonneuses moins accessibles aux pêcheurs étrangers, cette loi amorce la disparition des armements islandais.

1928, IMMATRICULATION DES NAVIRES DE PÊCHE

Par la loi du 17 décembre 1926, portant sur le code disciplinaire et pénal de la Marine Marchande, l’immatriculation des navires est étendue aux navires de grande pêche. Elle reprend les dispositions de la Circulaire de 1885 et définit, dans son article 89, les pénalités applicables en cas d'absence de marques extérieures d'identité sur les navires.
En 1928, le décret d’application du 17 avril ordonne, par son article 1er, que tout navire armé en vue d'une expédition maritime porte à la poupe, en lettres de couleur claire sur fond foncé, son nom et son port d'attache. Pour les bateaux de commerce ou de plaisance d'une jauge égale ou supérieure à 25 tonneaux, l’apposition du nom du navire, à l'avant et des deux bords, est rendue obligatoire.

1929, DÉBUT DE LA PÊCHE A LA MORUE AU GROENLAND

En 1927, à la demande de l'Office scientifique et technique des pêches maritimes et du Comité central des armateurs, Lucien Baugé, capitaine de frégate, commandant la Sainte-Jeanne-d’Arc, navire-hôpital de la Société des Œuvres de Mer, explore la côte occidentale du Groenland et met en évidence la très grande richesse du banc Fyllas, au large de Goothaab. En 1928, il établit six cartes de pêche, pour Terre-Neuve et le Groenland, définissant des zones d’eau à morue.
Dès 1929, la société La Morue Française, envoi le Zazpiakbat, un cordier à quatre mâts, commandé par le capitaine Bon, au Groenland. Sur le banc Fyllas, entre le 19 juin et le 18 août, il pêche 9600 quintaux de morue, marquant le début de la pêche, au Groenland.

1934, LE PRÉSIDENT-THÉODORE-TISSIER,
1er NAVIRE OCÉANOGRAPHIQUE FRANÇAIS

En 1934, le commandant Beaugé, qui mit en évidence la richesse du banc Fyllas, se voit confier le commandement du premier navire océanographique français, le Président Théodore Tissier. Il fait sur ce navire plusieurs campagnes avec l'océanographe Édouard Le Danois et dirige la rédaction du premier manuel des pêches maritimes, ouvrage collectif édité en 1936.

1935, FIN DES GOÉLETTES ISLANDAISES

La pêche traditionnelle en Islande comme la marine à voile vivent leurs dernières années. La fermeture des eaux islandaises, la concurrence des chalutiers à vapeur, la structure familiale des armements ont raison des derniers voiliers et de leur romantisme.
Dunkerque, qui envoya de tout temps des navires "à Islande", arme sa dernière goélette, pour une ultime campagne, en 1931. Gravelines, sa voisine, persiste jusqu’en 1935 et Paimpol voit la fin de l’armement islandais, avec le retour de la Glycine, en octobre de la même année.
Toutefois, les eaux islandaises continuent de représenter un gisement considérable et les chalutiers à vapeur continuent de s’y rendre régulièrement.

1939-1945, RÉQUISITION DES CHALUTIERS

En 1939, les bateaux français de grande pêche constituent la flotte la plus moderne et la mieux conçue des pays d’Europe. Outre vingt-cinq voiliers, appelés à disparaître, elle comprend trente-huit chalutiers modernes d’une jauge totale brute de trente-sept mille tonnes.
Après la "drôle de guerre", la plupart de ces navires sont réquisitionnés par la Marine Nationale, qui les arme en guerre et les utilise comme navires de servitude. Beaucoup sont détruits et, à la cessation des hostilités, les armateurs français ne disposent plus que de dix-sept navires fatigués, dont la plupart étaient encore utilisés à des fins militaires.
Ils se trouvent ainsi privés de 60 % du tonnage d’avant-guerre. En 1945, devant cette pénurie, Saint-Malo qui possède encore une flotte de voiliers-cordiers les envoie à Terre-Neuve.

1948, FIN DES "CORDIERS"

Le dernier voilier cordier équipé de doris à faire une campagne de pêche à Terre-Neuve est le Lieutenant René Guillon, de la Société des Pêcheries Malouines, en 1948. En 1954, l'armateur Marie-Ange Glâtre tentera, avec la collaboration du capitaine A. Ollivier, d’envoyer à nouveau ce navire sur les bancs, mais ce projet ne se réalisera pas.
Ce trois-mâts goélette mixte en acier, de 900 tonneaux, est construit à Nantes en 1920, par les chantiers Dubigeon, avec son sister ship le Commandant Louis Richard. Ce dernier, acheté par la Marine Italienne en 1951, rebaptisé Palinuro, est encore à flot et navigue comme navire-école.

1949, MODIFICATION DE LA CARTE POLITIQUE DE LA GRANDE PÊCHE

La deuxième guerre mondiale a aussi modifié la carte politique de la grande pêche. L’Islande a acquis son indépendance, en 1944. Terre-Neuve, dominion britannique depuis 1917, rattaché à la côte nord-est du Labrador en 1927, devient la Dixième Province du Canada en 1949 et les îles Saint-Pierre et Miquelon restent françaises

1950, RECONSTRUCTION DE LA FLOTTE

Après la guerre, la flotte détruite est lentement reconstituée et le tonnage des navires augmente considérablement. Le programme de reconstruction établi, dès 1941, conjointement par le Comité Central des Armateurs et les services de la Marine Marchande, a défini les caractéristiques des deux prototypes des futurs navires :
- l’un, de soixante-trois mètres, à vapeur, aménagé pour trois voyages par an, type Viking,
- l’autre, de soixante-huit mètres, à moteur Diesel, pour deux voyages par an, type Islande.
Dans les années cinquante, six de ces chalutiers sont en service : le Viking, seul de son modèle et cinq de soixante-huit mètres : Finlande, Minerva, l’Heureux, Commandant Pleven et Bassilour.
La flotte des chalutiers ainsi modernisée impose un développement de leurs zones d’activités, ce qui les emmène, au-delà des traditionnels bancs de Terre-neuve ou des eaux islandaises, vers le Groenland, jusqu’au détroit de Béring.

1958, 1972 ET 1973, GUERRES DE LA MORUE EN ISLANDE

L’Islande, indépendante depuis 1944, a hérité des anciennes limites des eaux territoriales telles qu’elles avaient été fixées par les Danois en 1901. En 1952, devant l’exploitation inconsidérée des eaux qui appauvrissait dangereusement les fonds, le gouvernement islandais repousse cette limite à quatre milles, puis à douze milles en 1958, cinquante milles en 1972, pour arriver à deux cents milles en 1975.
Ces décisions sont entérinées par les Nations-Unies mais très mal reçues par les pays qui pêchaient traditionnellement dans les eaux islandaises. Ce qui provoque, en 1958, puis en 1972 et 1973, la "guerre de la morue", véritables conflits armés entre les garde-côtes islandais et les chalutiers anglais. Les eaux islandaises nous sont alors interdites et les armements français y perdent une part très importante de leurs ressources.

1977, ÉTABLISSEMENT DES QUOTAS

À Terre-Neuve, les affaires ne vont pas mieux. En 1977, des quotas sont fixés pour la pêche dans le Golfe du Saint-Laurent et un accord pluriannuel est conclu, établissant également des quotas pour les autres zones de pêche.
Pendant cette période, l’archipel de Terre-Neuve est continuellement le sujet d'arbitrages internationaux entre la France et le Canada, notamment pour la définition des limites de la Zone Économique Exclusive, autour des îles Saint-Pierre et Miquelon. Les armements métropolitains subissent de nouvelles réductions de leurs possibilités d’exploitation et, les uns après les autres, abandonnent et disparaissent.
Le dernier chalutier morutier à partir de Fécamp pour Terre-Neuve est le Dauphin. Désarmé et vendu, il quitte définitivement Fécamp le 9 novembre 1987 pour être "ferraillé".

1985, SAINT-PIERRE ET MIQUELON COLLECTIVITÉ TERRITORIALE

En 1985, les îles Saint-Pierre et Miquelon adoptent le statut de Collectivité Territoriale et la pêche française est encore présente dans les eaux de Terre-Neuve et du Saint-Laurent :
- La pêche locale est représentée par deux armements : Interpêche, avec cinq chalutiers de pêche fraîche, et La Miquelonnaise, avec deux chalutiers saleurs.
- La pêche métropolitaine, essentiellement malouine, est représentée par la Comapêche, avec quatre bateaux-usines de grande dimension.
Mais le conflit franco-canadien, issu de l’extension des eaux territoriales canadiennes à deux cents milles des côtes, entrave l’activité de ces armements et les prises se réduisent d’année en année. Pour les armements français, l’équilibre est rompu à partir de 1988. La Société Interpêche passe dans le giron du groupe espagnol Pescanova en 1989, et absorbe La Miquelonnaise en 1992.
Le conflit franco-canadien fait l’objet d’une sentence arbitrale, le 10 juin 1992, et, en octobre, le Canada propose un quota pour l’année suivante très inférieur aux besoins des armements.
Au mois d’août 1993, il instaure des mesures de fermeture de ses eaux territoriales et un moratoire sur la pêche de la morue. Ce conflit, qui a pour cause l’extension des eaux territoriales canadiennes et dure depuis 1988, prend fin par un accord signé en décembre 1994, mais, pour la France, la pêche à la morue est bien finie.

ÉPILOGUE

Plusieurs facteurs concomitants ont contribué à la disparition de la grande pêche. Les armements français, constitués principalement d’entreprises familiales, n’ont pas résisté à la modernisation et à la concurrence internationale.
L’évolution des techniques de pêche et de conservation du poisson, de plus en plus performantes, ont entraîné l’augmentation de la taille des navires-usines.
Les énormes besoins de ces navires ont imposé des zones de pêche de plus en plus vastes pour rentabiliser les campagnes, provoquant une exploitation intensive et l’appauvrissement des fonds.
Les Canadiens et les Islandais ont réagi, face à cet état de fait, par l’extension de leurs eaux territoriales et l’interdiction d’y pêcher. Ces décisions, dictées par la nécessité de protéger les zones de frayères, ont privé les capitaines de pêche des zones les plus poissonneuses.
Enfin, la guerre des quotas sur les zones de pêche au large, dans laquelle on retrouve plus ou moins les anciennes rivalités maritimes qui ont marqué la grande pêche, a précipité la fin des armements morutiers. Le phénomène n’est pas uniquement français.

Cet ensemble d’événements a mis fin définitivement à quatre siècles de pêche à la morue, industrie nationale qui occupait plusieurs centaines de navires et plus de dix mille hommes avant la première guerre mondiale, quatorze mille au plus fort de cette activité. C’est un pan entier de l’histoire maritime et commerciale de la France qui disparaît en août 1993, ce que confirme Dominique Perben ministre des DOM-TOM, le 8 septembre 1993, quand il déclare aux Saint-Pierrais et aux Miquelonnais : Il faut oublier la morue.


Etienne BERNET
Extrait de la Bibliographie Francophone de la grande pêche.
©
Édition Association Fécamp Terre-Neuve, 1998

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